lundi 8 juin 2020






AFFICHES




« En prenant l’affiche, je prends l’histoire. » disait JacquesVilleglé.

Ben non, moi pas vraiment dans la mesure où bien que la matière affiche soit ancrée dans son époque, la face arrière que j'utilise le plus souvent, ne renseigne qu'imparfaitement sur la technique d'imprimerie et le papier. Les images du recto qui seraient plus parlantes question histoire et pratiques sociales, ne sont pas souvent utilisées dans le travail.

Je ne reprends pas non plus le terme "dessous d'affiche" de François Dufrêne, puisqu'il exprime autant le verso de l'affiche, que ce qu'il y a sous l'affiche - à savoir d'autres affiches ou un support.

Dos d'affiches me semble donc plus approprié pour décrire le matériau et la face que j'utilise.

Les affiches collées, superposées sont une matière, un support papier donc découpable, multicouche donc pelable, comme les plaques de graffes des "DéGRAPHéS" sont découpables et ponçables.

Celles que je récupère sont dans la rue, disponibles, matériau gratuit, lié à des événements, donc temporaire et voué à la destruction, peut-être au recyclage pour les affiches collées sur panneau d'affichage libre légaux.



pour synthétiser, voilà ce que j'en fais

  • extraction
  • standardisation
    • je peux m'arrêter là ou continuer
  • re-composition par découpe
  • et/ou retrait par découpe et pelage de couche
  • et/ou ajout d'autres matériaux (papier, peinture , ...)
    • dans n'importe quel ordre d'intervention 

Seuls les 2 premiers actes sont pour l'instant systématiques .




extraction


récolte d'affiches dans la rue, en multicouche, sur affichage libre ou sauvage . Une première récolte avait été réalisée rue Mercoeur pour STEUFF caillou (post de février 2020) : le dos de l'affiche a servi de support/fond à 3 dessins, l'un comme simple fond coloré, 2 autres comme fond symbolique lié à la révolte (slogan 2.0) . Pendant le confinement, en recherche de matériau disponible (magasins fermés) : récolte puisée sur les portes d'une ancien transformateur électrique, rue Léon Bureau .

Constat :

La face visible est à base de photographies en quadrichromie . Elles sont principalement dédiées aux concerts et aux sorties d'album où trônent les trombines des musiciens. Récemment vue, une affiche annonçant une tournée … de marque de vêtements !? Beaucoup moins d'illustrations dessinées, d'affiches de typographie sur fond uni : fini ou presque le graphisme mélange d'aplats colorés* et photographies du travail de Villeglé.

Le « brutalisme » façon Raymonds Hains semble encore possible, c'est à dire partir avec le support surtout avec le retour de palissade en planche de bois pour les chantiers, il faut alors aussi compter sur les graffes à la bombe. Mais la ville est un peu trop fliquée maintenant.





* les aplats colorés existent encore dans les couloirs du métro parisien, sur les emplacements publicitaires non vendus : bleu outremer, rouge vif, vert vif médian, jaune ?.


Pour moi, la face cachée est plus intéressante que la face visible . Elle entre dans mon d'intérêt pour les « matières colorées, action aléatoire du temps » prenant actuellement la forme de photographies d'extrait de murs. 





Ce dos est principalement en nuances de blanc, rose, gris-bleu, genre de « allover » avec moins que plus de transferts d'images ou de typographie de l'affiche précédente, probablement en raison de l'évolution de la technique de l'imprimerie, du papier et des encres. Majoritairement : fini les transferts et la typographie qui définissent le travail de François Dufrêne .

La surface est plus ou moins fripée, ce qui a une influence sur la disposition des couleurs et sur le relief.

En mars, la particularité du lieu d'extraction « Léon Bureau » réside dans le support : des portes métalliques, rivetées , peintes mais rouillées. De la rouille reste collée au dos de la première affiche. J'ai pu en récolter avec traces de rouille et écailles de peinture bleu foncé.

Rue Mercoeur après une extraction, il m'est passé par la tête de laisser une empreinte dans les couches d'affiches restantes. J'y ai « gravé », découpé une croix au cutter . Je me suis senti mal à l'aise de le faire, il y avait des passants . Le résultat ne m'était pas probant non plus mais peut-être parce que n'assumant pas, je n'y ai pas mis un grand soin.



standardisation 

Panneaux bruts aux bords irréguliers et fragiles, ils ne m'intéressent pas plastiquement . Ils sont redimensionnés aux formats rectangles ou carrés pour l'instant. Au besoin, je recolle des bords, des angles manquants : je complète . Je n'ai pour l'instant pas repris le(s) format(s) exact(s) d'une affiche standard mais ceux d'encadrements du commerce.
20*20cm
40*30cm
50*40cm

Ce redimensionnement à un format régulier est aussi un rappel du format papier, standardisé sortant de l'imprimerie.

Le format créé dans les panneaux est le résultat d'un choix arbitraire de maximisation de formats standards dans une surface donnée . Bien qu'il s'agisse d'un matériau de récupération « gratuit », je tente de l'utiliser au mieux en limitant les chutes et le gaspillage. En conséquence, les « compositions » graphiques résultantes ne sont que très partiellement préméditées. 










Ensuite, le degré de conservation/disparition des couches est fonction de ce que je décide de faire avec le déjà là. Cela varie . Différents degrés d'intervention sont possibles par rapport à la couche superficielle visible : 

  • l'existant comme finalité en soi, série nommée M.A.F.
  • conservation partielle
  • appui pour le devenir (déclencheur d'intervention)
  • simple support matériel qui disparaîtra plus ou moins

dans tous les cas, le matériau aura quand même des conséquences sur la matérialité de la pièce (état de surface, épaisseur, réaction des autres médiums sur cette surface, ...).



découpe et re-composition

Découper le format selon un processus simple, répétitif et intuitif (sur le moment) . De telle sorte que malgré des permutations, inversions, le format d'origine est recomposé, recollé. Et ainsi de suite. Cela crée des structures proches de De Stilj . 

 



Puisqu'il s'agit d'un travail sur le format, la question d'un cadre, d'un passe-partout qui déborderaient sur le format est exclu.


Présenté en l'état comme le préconisait le mouvement Support-Surface ? Marouflé sur un matériau plus rigide format identique ?  dans une caisse américaine à l'instar de la manière dont les travaux de Villeglé et Dufrêne sont actuellement présentés dans les galeries ou conservés dans les musées. ?

A.P. Arnal, C.Viallat / support-surface. galerie Mascota




François Villeglé - galerie Vallois - 2016



 

ajout/retrait

La matière brute est un peu plus modifiée . En plus d'être potentiellement décomposée-recomposée, des parties sont retirées, des éléments étrangers sont ajoutés :

  • découpe et décollage partiel de couches
  • retrait de la couche d'impression par scotch (face recto de l'affiche)
  • trou + fond coloré supplémentaire à distance
  • peinture, feutre, graphite ...
  • formes brutes géométriques d'un autre matériau ou peintes
Une part de hasard entre en jeu puisque, si je décide de retirer des couches, je ne sais pas à l'avance ce que je vais trouver, mais comme pour les DéGRAPHéS, je peux orienter au fur et à mesure des "découvertes". 
 
La série ASQALD "à savoir qui aura le dessus", est sur ce principe de retrait et rajout. L'intension  est de perturber visuellement la hiérarchie de la superposition des couches grâce à des formes contrastées qui semblent passer devant, derrière.

Par le travail sur ces couches retirées ou rajoutées, je rejoins celui des INTRUSIONS et des TTBR (Très Très Bas Relief).



papier peint

La matière brute peut être plus ou moins modifiée . En plus d'être potentiellement décomposée-recomposée, des parties sont retirées, des éléments étrangers sont ajoutés pour former un pattern, un module. Il est scanné, potentiellement modifié sur logiciel de DAO, édité en feuille et collé sur support mural, panneau d'affichage urbain.
 
Le premier opus retour à l'expéditeur a été réalisé sur panneau d'affichage libre, rue Sarrazin (Nantes) en février 2020 dans le cadre de l'exposition à ciel ouvert "pour l'amour de l'Art".