DéGRAPHéS
Quai Hoche en contrebas du boulevard
Gaston Doumergue, Ile de Nantes, un mur de graffes "sauvages" a vu les
couches de peinture (jusqu'à 5 mm d'épaisseur) s'accumuler sur plusieurs
années voire décennies. Je ne suis pas un admirateur des graffes,
surtout pas de ceux qui consistent en un blaze, une signature XXL, peu
travaillée
et à la seule gloriole d'un individu. A contrario, je suis amusé par
cette
gueguerre sans vainqueur entre les graffeurs officiels
institutionnalisés par la mairie via le plan graffes mais considérés
comme corrompus par les graffeurs "sauvages" qui viennent pourrir leurs
fresques (changement de terminologie pour les rendre plus acceptables ?)
à coup de trainées de peinture au pulvérisateur ou tag bâclé parce
qu'il faut faire vite et ne pas se faire prendre, et enfin les services
de la
ville chargés d'effacer ou recouvrir les graffes anarchiques par des
peintures "ton pierre" .
"ad nauseam" pour cet éternel recommencement.
Lors du réaménagement du quai, par zone, les couches de peinture ont
été arrachées sans être évacuées. J'en ai récolté des morceaux. [2020 07
29, depuis que les travaux sont terminés, je les arrache moi-même]
Poncer "ad nauseam" : à la main, sans s'interrompre, jusque la fatigue et l'écoeurement à cause de l'odeur qui s'en dégage. Chaque pièce (version 14.5cm de diamètre) est ainsi poncée pendant environ 2 heures. Au hasard des découvertes des couches, j'oriente le geste pour supprimer ou conserver des zones en l'état, tout simplement parce que l'agencement des couleurs apparu me plait.
J'ai
hésité un moment entre laisser les plaques brutes aux formes irrégulières ou les
rendre un peu plus précieuses. L'accumulation m'a convaincu
de les présenter sous la forme unique d'un disque homogénéisant une série.
Des extraits, des échantillons, des boites de Pétri. *
* [2020 07 29, assez vite quand même, j'ai dérogé à la règle du rond plein dans un carré . Bien que continuant la série rond dans une vitrine carrée,
pour certaines pièces, la vitrine peut être
rectangle, le rond est partiel, la forme est d'une autre géométrie et
intègre d'autres matériaux, voire elle est très
irrégulière et propice à la paréidolie . Le fond a aussi évolué. Pour les ad nauseam #1 à #6, c'est un passe-partout qui matérialise le
rond, dans les ad nauseam #7 à #11, la plaque est ronde et le fond est en canson
blanc, ensuite la technique se stabilise : je texturise légèrement le
fond avec du gesso, des poussières de ponçage dans de la peinture
blanche, pour obtenir un effet similaire aux murs de la ville taggués
puis repeints grossièrement (technique que je reprendrai très
certainement un jour pour poursuivre les monochromes TTBR) ]
Je
reste assez amusé par cette opposition entre le graffe XXL signature
pauvre à 2 ou 3 couleurs et ces échantillons XS contenant des dizaines de couleurs, opposition encore entre ce cadre de
bois naturel et un "déchet" polluant.
Mais sans doute, je me trompe sur les motivations des
graffeurs/tagueurs, du moins de ceux qui ont dépassé le stade de la
signature narcissique sur les murs comme sur un cahier d'adolescent ou
comme pour marquer un territoire animal . De plus, ils sont conscients
du caractère temporaire de leur graffe, ils savent qu'il sera recouvert.
Leur "musée" c'est la photographie, instagram, les réseaux sociaux.
Les
galeries en France s'intéressent depuis quelques années au streetart,
sans doutes après la parution de recueils réalisés par des photographes (
Subway Art, Martha Cooper, 1984, devenu le Graal du genre) et
l'engouement du public qui se passionne pour l'identification de Banksy.
Cela produit un effet sur certains artistes, une porosité s'opère
entre amateurs doués et artistes diplômés, entre art sauvage et
officiel. Des oeuvres "façon street art" apparaissent sur toile et
objets dans les galeries - puisqu'il faut bien vendre quelque chose aux
acheteurs et collectionneurs : un objet plus ou moins pérenne,
déplaçable, échangeable.
"ad nauseam #1"
plaque de couches de peinture aérosol, arrachée et retravaillée,
diamètre 15cm
septembre 2018
"ad nauseam #2" dit l'automne
plaque de couches de peinture aérosol, arrachée et retravaillée,
diamètre 15cm
septembre 2018
"ad nauseam #3" dit l'été
plaque de couches de peinture aérosol, arrachée et retravaillée,
diamètre 15cm
septembre 2018
collection privée M.P. & B.S.
collection privée M.P. & B.S.
"ad nauseam #4" dit l'hiver
plaque de couches de peinture aérosol, arrachée et retravaillée,
diamètre 15cm
septembre 2018
collection privée M.B.
collection privée M.B.
"ad nauseam #5" dit le printemps
plaque de couches de peinture aérosol, arrachée et retravaillée,
diamètre 15cm
septembre 2018
"ad nauseam #6"
plaque de couches de peinture aérosol, arrachée et retravaillée,
diamètre 15cm
septembre 2018